Après le rachat de son principal concurrent TPS, le groupe Canal + /Canalsatellite pouvait légitimement espérer souffler un peu et envisager l'avenir sous un jour plus que favorable.
Terminée la surenchère ruineuse sur l'achat de droits sportifs, finie la lutte pour arracher l'exclusivité des blockbusters , adieu la guerre commerciale à coût de promotions et de subventions pour conquérir ou retenir les abonnés ... une ère nouvelle, profitable et tranquille, allait s'ouvrir !
Pour saluer ces nouvelles perspectives, le groupe annonçait d'ailleurs des chiffres prometteurs: 5.1 millions d'abonnés pour la nouvelle offre, un objectif de 250 millions d'euros d'économies pour la première année, un coût d'achat de programmes en forte baisse... tous les indicateurs semblaient au vert.
Làs, le repit n'aura finalement duré que quelques mois.
A peine réalisée la fusion des équipes, des contenus et des portefeuilles clients des deux groupes, et voilà que la bagarre recommence alimentée cette fois par les gros acteurs de Télécoms, France Télécom en première ligne, et entretenue par les petites chaînes et les opérateurs indépendants, déterminés à ne pas se laisser avaler par le nouveau géant né du rapprochement des deux frères ennemis de l'audiovisuel payant.
ADSL, TNT, Télévision mobile ... pour tous ces acteurs, bien décidés à en découdre quelle que soit leur taille, les terrains d'affrontement ne manquent pas.
l'ADSL qui peut s'enorgueillir de recruter chaque trimestre près d'un million de nouveaux abonnés à ses offres triple play (Téléphone, Internet, Télévision) constitue certainement le premier des dangers pour le groupe Canal+. Pour attirer de nouveaux prospects, les fournisseurs d'accès internet sont en effet prêts à toutes les "bassesses": tirer au plus bas le prix des abonnements et enrichir leurs packages par des offres gratuites particulièrement attractives (la musique gratuite offerte depuis la rentrée par Neuf Cegetel ou par Free par exemple). Leur rève serait de pouvoir commercialiser directement les chaînes comme ils le souhaitent (et certaines petites chaînes seraient bien prettes à se laisser séduire par leurs propositions). Malheureusement, face à cette menace, Canal+ reste ferme:sa stratégie consiste à garder coûte que coûte la maîtrise totale de son bouquet en exigeant l'exclusivité des chaînes qu'elle distribue.
Neuf Cegetel qui avait signé un accord bi-latéral avec Eurosport, vient de faire les frais de cette politique. Après avoir perdu son bras de fer juridique avec la chaîne, l'opérateur ne peut plus diffuser le signal de la chaîne sportive en ADSL. Dans la même situation ou presque, Orange à qui Canal+ a toujours refusé le diffusion de l'Equipe TV et a retiré les droits sur Infosport, a choisi de riposter en créant sa propre chaîne sportive baptisée Orange Sports TV. L'opérateur Télécom se met ainsi en position de concurrencer Canal+ non seulement dans la chasse aux téléspectateurs mais aussi dans la course aux droits sportifs.
La TNT qui touche aujourd'hui plus de 5 millions de foyers (12.7% des foyers français) constitue un autre sujet d'inquitétude pour Canal+ . En effet, les 8 chaînes thématiques gratuites (BFM TV, NRJ 12, W9, Direct 8, TMC, France 4, Gulli, I Télé) dont la part d'audience progresse de mois en mois viennent sérieusement chahuter les deux bouquets payants commercialisés par la filiale de Vivendi (Canal+le bouquet et le Minipack) qui n'ont séduit aujourd'hui que 400000 abonnés. Pour ne rien arranger ,d'ici quelques mois, 3 nouveaux acteurs devraient faire leur apparition sur le marché de la TNT payante en proposant des bouquets "low cost" à ceux qui veulent plus de chaînes sans pour autant dépenser beaucoup.
Enfin, comme si tous ces sujets ne suffisaient pas à occuper l'esprit des dirigeants de Canal+, voici que le paysage s'assombrit encore avec le lancement programmé pour fin 2008 de la TMP (Télévision Mobile Personnelle).
Qui va prendre à son compte le financement (coûteux) du réseau de diffusion et, en contrepartie, pourra se faire rémunérer par le client final ? C'est toute la question qui oppose aujourd'hui les acteurs potentiels de ce nouveau marché.
Les opérateurs de télécoms se disent prêts à financer tout ou partie du réseau et à "s'arranger" ensuite avec les chaînes pour une répartition des recettes d'abonnement au prorata des investissements consentis mais Canal+, de son coté, refuse de dépendre des Opérateurs Télécoms et souhaiterait garder la totale maîtrise de sa diffusion et de ses clients quitte à financer directement son transport.
Bref, là encore la bataille va être rude et le CSA risque d'avoir fort à faire pour départager les candidats.
Le paysage audiovisuel est décidément bien mouvementé par les temps qui courrent et bien malin sera celui capable de prédire qui finira par tirer son épingle du jeu et s'adjugera les 3 richesses que tous convoitent: les programmes, les réseaux, le public.
Et le spectateur , qu'à t'il à gagner ou à perdre dans cette guerre des géants ? That's the question...
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